Transport aérien français
Pourquoi le secteur décroche
Selon la FNAM, la France risque un décrochage durable face à la concurrence européenne et internationale
Le transport aérien français est menacé : hausse des taxes, coûts d’exploitation records, perte de compétitivité. Analyse complète selon la FNAM et l’étude Asterès.
🟩 Introduction : un secteur stratégique en turbulences
Le transport aérien français traverse l’une des phases les plus complexes de son histoire contemporaine. Après les années COVID, le secteur était censé rebondir durablement. Mais selon la FNAM (Fédération Nationale de l’Aviation Marchande), les politiques fiscales et réglementaires adoptées depuis plusieurs années freinent ce redressement, au point d’affaiblir la compétitivité des compagnies françaises.
Les compagnies dénoncent un coût d’exploitation structurellement plus élevé en France que dans le reste de l’Europe, et une pression fiscale devenue « insoutenable ». La situation ne serait pas seulement menaçante pour les compagnies, mais pour la vocation touristique, économique et stratégique de la France.
Pour analyser ces écarts, la FNAM a commandé une étude au cabinet Asterès. Les résultats sont particulièrement préoccupants : la France fait partie des pays les plus chers de l’Union européenne pour exploiter des vols, qu’il s’agisse de lignes domestiques, intra-européennes ou long-courriers.
🟩 1. Pourquoi la France est devenue un pays parmi les plus coûteux pour voler ?
1.1 Une comparaison internationale défavorable
L’étude Asterès compare les coûts d’exploitation entre plusieurs hubs majeurs :
| Pays | Hub principal | Niveau de coûts relatif | Classement coût | Particularités |
|---|---|---|---|---|
| 🇫🇷 France | Paris-CDG | Très élevé | 2ᵉ plus cher UE | Forte taxation, SAF obligatoire |
| 🇳🇱 Pays-Bas | Amsterdam-Schiphol | Très élevé | 1ᵉʳ | Taxes environnementales sévères |
| 🇩🇪 Allemagne | Francfort | Élevé → baisse prévue | 4ᵉ | Baisse des taxes 2025 |
| 🇪🇸 Espagne | Madrid-Barajas | Modéré | 6ᵉ | Politique pro-tourisme |
| 🇮🇹 Italie | Rome Fiumicino | Modéré | 5ᵉ | Taxes limitées |
| 🇬🇧 Royaume-Uni | Heathrow | Élevé sur LC, modéré sur UE | variable | APD forte |
| 🇹🇷 Turquie | Istanbul | Faible | — | Avantages fiscaux massifs |
| 🇦🇪 Émirats arabes unis | Dubaï / Abu Dhabi | Très faible | — | Aucun ETS, pas de SAF obligatoire |
Conclusion : Seuls les Pays-Bas dépassent la France en niveau global de coûts parmi les pays européens étudiés.
La situation française est aggravée par la hausse de la TSBA, intervenue en mars 2025. Selon la FNAM, les coûts d’exploitation en France dépasseront ceux de l’Allemagne dès 2025, même après la réduction des taxes allemandes.
1.2 La TSBA : une taxe multipliée et devenue un handicap structurel
La TSBA (taxe de solidarité sur les billets d’avion) a été créée pour financer le développement. Mais ses multiples hausses successives l’ont transformée en l’une des taxes les plus lourdes d’Europe.
Impact concret de la TSBA sur un billet
| Type de vol | Application de la TSBA | Surcoût moyen pour le passager | Effet pour les compagnies |
|---|---|---|---|
| Domestique | 2 fois | +20 à +60 € | Réduction des marges |
| Intra-européen | 2 fois | +30 à +80 € | Baisse de compétitivité |
| Long-courrier | 1 fois | +50 à +200 € | Fuite vers hubs étrangers |
Selon Transavia France :
« La TSBA applique un doublement sur les vols domestiques. Cela réduit fortement notre flexibilité commerciale. »
🟩 2. Comment les politiques publiques renchérissent chaque vol ?
L’étude Asterès prend en compte quatre grands leviers influençant les coûts d’exploitation. Voici comment la France se situe.
2.1 Tableau comparatif des facteurs de coûts
| Facteur | France | Allemagne | Espagne | Turquie | Émirats arabes unis |
|---|---|---|---|---|---|
| Taxes aéroportuaires | Très élevées | Modérées | Basses | Très basses | Basses |
| Obligations SAF | Oui (pourcentage élevé) | Oui | Oui mais plus faible | Non | Non |
| ETS européen | Oui | Oui | Oui | Non | Non |
| Fiscalité carburant | Élevée | Élevée | Modérée | Faible | Faible |
| Main-d’œuvre | Coûts élevés | Élevés | Modérés | Faibles | Faibles |
2.2 Les quatre types de routes étudiées
Les routes analysées permettent une comparaison précise :
- Vols long-courriers directs – ex. Paris → Singapour
- Vols long-courriers avec escale – ex. Paris → Doha → Singapour
- Vols intra-européens – ex. Paris → Rome
- Vols domestiques – ex. Paris → Nice
Résultat général :
👉 La France est systématiquement dans les 2 ou 3 pays les plus chers, tous segments confondus.
🟩 3. L’Asie du Sud-Est (Bangkok, Singapour, Hong Kong) : le front le plus critique pour Air France et les compagnies européennes
3.1 Pourquoi ce marché est stratégique ?
L’Asie du Sud-Est représente un triple enjeu :
- croissance touristique très forte
- développement du trafic affaires
- position stratégique vers l’Australie et l’Océanie
Or, ce marché est aujourd’hui dominé par les compagnies du Golfe.
3.2 Le modèle imbattable des compagnies du Golfe
Pourquoi elles gagnent ?
| Avantage | Description |
|---|---|
| Coûts d’exploitation faibles | Taxes minimes, carburant moins cher |
| Absence d’ETS | Pas de paiement de quotas carbone |
| Pas de SAF obligatoire | Carburant traditionnel uniquement |
| Hubs géométriquement optimaux | Position parfaite entre Europe et Asie |
| Services premium attractifs | Rapport qualité/prix supérieur |
Les Émirats et le Qatar bénéficient d’un environnement réglementaire radicalement différent.
Conséquence : Un vol Paris → Singapour peut coûter 200 € de moins pour le passager en passant par Dubaï plutôt qu’en direct depuis Paris. Nécessité, donc, est de réguler le marché au départ de France et de revenir vers les accords “open-skies” comme le reclament les PDG des groupes AIRFRANCE-KLM & LUFTHANSA GROUP LHG (Lufthansa, Swiss Airlines, Austrian Airlines, Brussels Airlines)
3.3 Une perte de compétitivité majeure pour Air France
Air France souffre d’un double handicap :
- coûts plus élevés,
- concurrence des vols avec escale, moins chers et parfois plus rapides en temps total.
Pour les passagers européens, voler via Dubaï ou Doha est devenu une évidence.
Cela réduit la part de marché de la France sur les axes les plus lucratifs du monde.
🟩 4. 2025 : l’année de trop ? Les taxes explosent et le trafic recule
4.1 L’impact de la hausse des taxes en chiffres
| Indicateur | Valeur |
|---|---|
| Perte attendue de visiteurs en 2025 | 3,5 millions |
| Perte économique touristique | 2,3 milliards € |
| Perte fiscale associée | 800 millions € |
| Nombre de lignes supprimées en France | 24 lignes |
| Aéroports touchés | 14 aéroports |
| Croissance sièges France | 3× plus faible que l’Europe |
4.2 Conséquences directes sur l’offre
Les compagnies réorganisent leurs réseaux :
- Fermeture de lignes domestiques non rentables
- Réduction de capacité sur les aéroports régionaux
- Redéploiement vers l’international (plus rentable)
- Départ de passagers vers les aéroports frontaliers (Genève, Bruxelles, Bâle, Barcelone)
Selon easyJet France :
« Au lieu d’attirer des visiteurs vers la France, on envoie les Français ailleurs. »
🟩 5. La France face à l’Europe et au Moyen-Orient : où se situe-t-elle réellement ?
5.1 Comparatif rapide UE / France / Golfe
| Zone | Niveau de taxation | Coûts opérationnels | Obligations environnementales | Compétitivité globale |
|---|---|---|---|---|
| France | Très élevée | Très élevés | Forte | ⭐⭐ |
| Europe (hors NL) | Modérée | Moyens | Moyenne | ⭐⭐⭐ |
| Allemagne (2025) | En baisse | Modérés | Moyenne | ⭐⭐⭐⭐ |
| Moyen-Orient | Très faible | Faibles | Quasi inexistantes | ⭐⭐⭐⭐⭐ |
🟩 6. Un risque réel de décrochage durable
6.1 Pourquoi le secteur est stratégique pour l’économie française ?
Le transport aérien en France représente :
- 315 000 emplois directs et indirects
- plus de 8 % des recettes touristiques nationales
- des dizaines de milliards de retombées économiques
- une connectivité internationale cruciale pour les entreprises
Réduire la compétitivité du pavillon français, c’est :
- fragiliser l’ensemble du tourisme,
- diminuer l’attractivité économique,
- réduire le rayonnement de la France.
6.2 Le risque d’un basculement irréversible
Si la France ne réagit pas rapidement, trois phénomènes pourraient devenir permanents :
- Décalage des compagnies vers l’étranger
- Réduction durable du nombre de lignes domestiques
- Affaiblissement du hub Paris-CDG au profit de Francfort et Amsterdam
La FNAM alerte :
👉 « Le décrochage est déjà en cours et pourrait devenir structurel. »
🟩 7. Quelles solutions pour un rééquilibrage ?
Selon les acteurs du secteur, plusieurs pistes existent.
7.1 Mesures fiscales et réglementaires possibles
- Réduire la TSBA ou éviter sa multiplication
- Harmoniser les obligations SAF au niveau européen
- Limiter la distorsion avec les pays hors UE
- Soutenir l’investissement dans la flotte bas carbone
- Mieux calibrer la transition énergétique pour qu’elle soit économiquement tenable
🟩 Conclusion : un appel au sursaut politique
La FNAM, appuyée par l’étude Asterès, dresse un constat clair : le transport aérien français est entré dans une zone de turbulences sévères, largement provoquées par la fiscalité et les obligations environnementales nationales.
Sans rééquilibrage, la France risque :
- une perte durable de compétitivité,
- un affaiblissement de Paris-CDG,
- une baisse de l’offre domestique,
- et une dégradation de la position du pays dans le transport aérien mondial.
L’enjeu dépasse largement les compagnies aériennes :
👉 il concerne l’économie nationale, le tourisme, l’emploi et le rayonnement international de la France.


