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Peut-on associer tourisme et néocolonialisme ?

Analyse critique d’un rapprochement conceptuel

1. Introduction

Le tourisme est l’une des industries les plus dynamiques du XXIᵉ siècle. Il touche à la fois l’économie, la culture, l’espace et le social, et implique une circulation massive de personnes, d’argent et d’influences à travers le monde. Cependant, malgré son image de loisir et de découverte, le tourisme n’est pas une activité neutre. Dans certains contextes, il reproduit des mécanismes de domination hérités de l’époque coloniale, notamment lorsqu’il transforme les territoires, contrôle les ressources économiques et impose des récits culturels.

Le concept de néocolonialisme, élaboré dans les années 1960 et 1970 par des auteurs tels que Kwame Nkrumah et Samir Amin, décrit la persistance de rapports de dépendance économique et culturelle, même après la fin officielle de la colonisation politique. Le néocolonialisme n’exige pas la présence directe d’un pouvoir étranger, mais se manifeste par le contrôle des ressources, la domination des échanges économiques et la structuration des sociétés locales selon les intérêts des puissances étrangères.

L’association entre tourisme et néocolonialisme repose sur l’idée que les flux touristiques, en particulier dans les pays du Sud, peuvent reproduire ces formes de domination. Les hôtels et resorts appartenant à des multinationales, la marginalisation des populations locales, l’exotisation des cultures et le contrôle du récit touristique sont autant d’exemples de mécanismes qui prolongent des logiques de pouvoir inégales.

L’objectif de ce texte est d’analyser cette association de manière critique. Nous examinerons d’abord les cadres théoriques du néocolonialisme et du tourisme, puis les dimensions économiques, spatiales, culturelles et symboliques de cette interaction. Nous présenterons également des nuances et contre-exemples montrant que tout tourisme n’est pas automatiquement néocolonial, avant de conclure sur les enjeux contemporains de cette problématique.

2. Cadre théorique

2.1 Le néocolonialisme et les études postcoloniales

Le terme de néocolonialisme a été popularisé par Kwame Nkrumah dans les années 1960 pour désigner une domination économique indirecte exercée par les anciennes puissances coloniales sur les pays nouvellement indépendants. Cette domination s’exerce par le biais de multinationales, de systèmes financiers, d’institutions internationales et d’influence culturelle. Selon Nkrumah, l’indépendance politique formelle n’était souvent qu’une façade, les structures économiques et symboliques coloniales restant intactes.

Samir Amin a élargi ce concept en analysant les structures mondiales du développement inégal. Il montre que les pays du Sud restent intégrés dans une économie mondiale dominée par le Nord, qui capte les surplus et oriente les investissements selon ses propres intérêts. Dans ce cadre, les flux touristiques peuvent être vus comme une extension de cette dynamique : l’argent généré par le tourisme ne bénéficie souvent que partiellement aux populations locales, tandis que les infrastructures et services restent contrôlés par des acteurs étrangers.

Les études postcoloniales (Said, 1978 ; Mbembe, 2001) mettent l’accent sur la dimension symbolique du pouvoir. Edward Said, dans Orientalism, montre comment l’Occident construit l’Orient comme un objet de savoir, d’exotisme et de spectacle. Achille Mbembe, dans De la postcolonie, analyse les effets de la domination symbolique et culturelle dans les sociétés postcoloniales, où les hiérarchies et les inégalités héritées du colonialisme persistent. Ces cadres théoriques permettent de comprendre comment le tourisme peut non seulement exploiter économiquement les territoires, mais aussi contrôler la manière dont ils sont perçus.

2.2 Le tourisme comme vecteur de pouvoir

John Urry, dans The Tourist Gaze (1990), conceptualise le tourisme comme une expérience médiée et scénarisée. Le “regard touristique” n’est jamais neutre : il est construit par les acteurs qui organisent la visite, choisissent les lieux à montrer, définissent les parcours et filtrent les informations. Dans le contexte néocolonial, ce regard est souvent orienté pour valoriser la modernité importée, masquer les tensions sociales et présenter une image stéréotypée ou exotisée des populations locales.

Le tourisme est également un vecteur économique majeur. Les revenus générés ne circulent pas toujours localement. Le phénomène du “leakage” (fuite des capitaux) est bien documenté : une part significative des profits des hôtels, tours et compagnies aériennes retourne dans les pays du Nord, tandis que les populations locales restent cantonnées à des emplois subalternes. Ainsi, le tourisme peut reproduire des rapports de dépendance économique et culturelle, renforçant les dynamiques néocoloniales.

3. Dimensions économiques et spatiales

3.1 Propriété étrangère et fuite des capitaux

Dans de nombreuses destinations touristiques du Sud, les infrastructures majeures — hôtels, resorts, croisières, compagnies de transport — sont détenues par des multinationales ou des investisseurs étrangers. À Bali, par exemple, les grands resorts sont souvent détenus par des chaînes internationales, et les profits sont rapatriés vers les sièges situés en Europe ou en Amérique du Nord. À Koh Samui et Phuket, la majorité des hôtels de luxe appartiennent à des étrangers, et les services touristiques sont fortement orientés vers les visiteurs occidentaux.

La conséquence est que, même si le tourisme crée des emplois locaux, les bénéfices économiques réels pour les communautés locales sont limités. Cette structure reproduit un modèle de domination économique indirecte : les populations locales dépendent du tourisme, mais n’en captent qu’une faible part.

3.2 Enclaves touristiques et spatialisation de la domination

Les enclaves touristiques sont des zones géographiques réservées aux touristes et souvent isolées des espaces résidentiels locaux. Elles peuvent inclure des complexes hôteliers, des plages privées, des marinas et des zones commerciales adaptées aux visiteurs étrangers. Cette spatialisation crée une ségrégation économique et sociale : les habitants locaux sont souvent exclus de l’accès à ces zones et ne bénéficient pas des infrastructures mises en place.

À Bali ou à Phuket, par exemple, certaines plages et stations balnéaires sont devenues quasi inaccessibles aux populations locales en raison de la privatisation et de la hausse des prix. L’urbanisation autour des complexes touristiques entraîne également une hausse des loyers et des prix de l’immobilier, provoquant la marginalisation des habitants. Ces mécanismes rappellent la logique des colonies : le territoire est organisé selon les besoins de l’étranger, plutôt que ceux de la population locale.

3.3 Subalternité économique

La main-d’œuvre locale dans le tourisme est souvent cantonnée à des postes subalternes : serveurs, femmes de chambre, chauffeurs ou guides peu rémunérés. Les emplois à responsabilités ou à forte valeur ajoutée restent généralement occupés par des expatriés ou des étrangers. Cette configuration perpétue des rapports hiérarchiques et des inégalités économiques, tout en maintenant la dépendance des populations locales à l’égard des investisseurs étrangers.

4. Dimension culturelle et symbolique

4.1 Exotisation et folklorisation

Le tourisme repose souvent sur la mise en scène de la culture locale, transformée en spectacle pour les visiteurs. Les danses traditionnelles, les marchés artisanaux ou les cérémonies religieuses sont présentés dans un format simplifié et romantique, destiné à plaire au touriste. Cette exotisation contribue à la perception de l’autre comme “différent, pittoresque et consommable”, reproduisant un rapport asymétrique entre observateur et observé.

4.2 Contrôle du récit touristique

Les guides, agences et blogs étrangers jouent un rôle central dans la construction du récit touristique. Ils définissent ce que le visiteur doit voir et comprendre, marginalisant souvent les voix locales. Le tourisme devient ainsi un outil de soft power symbolique, où la représentation culturelle est contrôlée par les acteurs extérieurs plutôt que par les communautés elles-mêmes.

4.3 Patrimoine et mémoire

Le tourisme industriel et culturel pose également la question du patrimoine et de la mémoire. La mise en valeur des sites industriels, des musées ou des monuments est souvent orientée vers les intérêts du visiteur ou des investisseurs étrangers. Les décisions sur ce qui est montré et valorisé reflètent un contrôle externe sur la narration historique et culturelle, renforçant des mécanismes de domination symbolique et culturelle.

5. Nuances et contre-exemples

5.1 Tourisme alternatif et auto-géré

Le tourisme n’est pas nécessairement néocolonial. Les initiatives locales, coopératives ou communautaires montrent qu’il est possible d’organiser un tourisme qui profite directement aux habitants. Les circuits courts, l’accueil dans des structures locales et la valorisation d’expériences authentiques permettent aux communautés de contrôler les bénéfices et la narration touristique.

5.2 Régulations et politiques publiques

Certains pays adoptent des politiques pour réduire les effets néocoloniaux du tourisme : quotas de visiteurs, taxes, redistribution des revenus, préservation des zones naturelles. Au Rwanda, par exemple, le tourisme lié aux gorilles est strictement régulé, avec des revenus largement redistribués aux communautés locales. En Thaïlande ou au Maroc, certaines stations touristiques sont soumises à des régulations sur la construction et la gestion des espaces, limitant la captation totale par les investisseurs étrangers.

5.3 Limites du néocolonialisme touristique

L’association tourisme ↔ néocolonialisme dépend fortement du contexte historique, économique et politique. Les touristes eux-mêmes peuvent adopter une approche responsable et contribuer au développement local, réduisant ainsi les effets asymétriques. De même, la présence de régulations nationales et de coopératives locales atténue les dynamiques de domination.

6. Études de cas concrètes

Koh Samui / Phuket

À Koh Samui et Phuket, l’industrie touristique est dominée par des investisseurs étrangers. Les complexes hôteliers, les services de transport et les excursions sont majoritairement contrôlés par des acteurs extérieurs, tandis que les habitants locaux occupent des emplois subalternes. Les plages privatisées et les résidences de luxe créent des enclaves touristiques, limitant l’accès aux populations locales.

Bali

Bali présente des mécanismes similaires : les grandes stations balnéaires sont détenues par des chaînes internationales, le marché immobilier touristique fait grimper les prix, et les infrastructures sont orientées vers les touristes. Toutefois, certaines initiatives locales, comme des homestays ou des circuits communautaires, permettent aux habitants de bénéficier directement du tourisme.

Marrakech

À Marrakech, le tourisme de la médina et des riads est contrôlé en grande partie par des investisseurs étrangers, et les artisans locaux sont souvent cantonnés à des rôles secondaires ou vendent leurs produits via des intermédiaires. Cependant, des projets communautaires dans certains quartiers permettent de rééquilibrer la distribution des bénéfices.

7. Conclusion

Le tourisme peut être un vecteur de néocolonialisme lorsqu’il reproduit des mécanismes de domination économique, spatiale et symbolique hérités du colonialisme. Les profits captés par des acteurs étrangers, la subalternité de la main-d’œuvre locale, la privatisation des espaces et le contrôle du récit culturel sont autant de signes de cette dynamique.

Cependant, cette association n’est pas automatique. Le tourisme alternatif, auto-géré et régulé peut permettre aux communautés locales de bénéficier pleinement de l’activité touristique, de valoriser leur patrimoine et d’affirmer leur narration culturelle. L’analyse du tourisme sous l’angle du néocolonialisme doit donc être contextualisée, critique et nuancée, prenant en compte les structures économiques, politiques et culturelles locales.

En somme, le tourisme contemporain est un espace conflictuel et complexe : il peut reproduire des inégalités héritées du passé colonial, mais il offre également des opportunités d’émancipation et de développement local, selon les choix des acteurs et les régulations mises en place.

Bibliographie indicative

  • Amin, S. (1973). Le développement inégal. Paris : Minuit.
  • Mbembe, A. (2001). De la postcolonie. Paris : Karthala.
  • Nkrumah, K. (1965). Neo-Colonialism: The Last Stage of Imperialism. London : Thomas Nelson.
  • Said, E. (1978). Orientalism. New York : Pantheon Books.
  • Urry, J. (1990). The Tourist Gaze. London : Sage.
  • Escobar, A. (1995). Encountering Development. Princeton University Press.

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