Perceptions ressenties des touristes par les locaux
En Thaïlande et dans l’archipel élargi de Koh Samui
Introduction
La Thaïlande figure depuis plusieurs décennies parmi les destinations touristiques les plus fréquentées au monde. Avec plus de trente millions de visiteurs internationaux par an avant la pandémie, le pays s’est imposé comme un symbole du tourisme globalisé : plages tropicales, temples bouddhistes, gastronomie accessible, hospitalité réputée et coût de la vie attractif. Cette image positive, largement véhiculée par les médias et les réseaux sociaux, masque toutefois des réalités plus complexes.
Dans l’archipel élargi de Koh Samui — incluant Koh Samui, Koh Phangan, Koh Tao, mais aussi les zones continentales voisines comme Khanom et Sichon — le tourisme a profondément transformé les paysages, l’économie et les rapports sociaux. Ces transformations rapides ont généré des tensions, rarement exprimées frontalement, mais bien réelles. Certaines catégories de touristes, non pas en raison de leur origine nationale mais de leurs comportements et attitudes, sont parfois mal perçues par les populations locales.
Ce texte propose une analyse approfondie, nuancée et contextualisée des perceptions négatives liées à certains profils touristiques, en tenant compte de la culture thaïlandaise, de l’histoire du développement touristique et des spécificités régionales. Il ne s’agit ni de stigmatiser ni de dresser des listes accusatoires, mais de comprendre les mécanismes sociaux qui produisent ces ressentiments.
1. Fondements culturels thaïlandais et rapport à l’étranger
1.1 L’importance de l’harmonie sociale
La société thaïlandaise repose sur un principe fondamental : la préservation de l’harmonie sociale (khwam samakki). Les conflits ouverts, les confrontations directes et les expressions publiques de colère sont généralement évités. Cette norme culturelle influence profondément la manière dont les Thaïlandais interagissent avec les touristes.
Ainsi, un visiteur peut être accueilli avec le sourire, recevoir un service courtois et néanmoins être perçu négativement. L’absence de confrontation ne signifie pas l’absence de jugement. Les critiques s’expriment dans des cercles privés, familiaux ou sur les réseaux sociaux locaux, rarement face à l’étranger concerné.
1.2 Hiérarchie, respect et image de soi
La hiérarchie sociale structure les interactions en Thaïlande. Le respect se manifeste par la retenue, la modestie et l’attention portée à l’autre. Toute attitude perçue comme arrogante, bruyante ou dominatrice est en contradiction avec ces valeurs.
Dans ce cadre, certains comportements touristiques occidentaux — parler fort, exiger, se plaindre publiquement, afficher son pouvoir d’achat — peuvent être interprétés comme une forme de mépris, même lorsqu’ils ne sont pas intentionnels.
2. Développement touristique et transformations territoriales
2.1 Koh Samui : croissance rapide et déséquilibres
Koh Samui illustre de manière exemplaire les effets d’un développement touristique accéléré. En quelques décennies, l’île est passée d’une économie fondée sur la pêche et l’agriculture à une dépendance quasi totale au tourisme.
Cette mutation a entraîné :
- une explosion des prix du foncier ;
- une concentration des richesses dans certains secteurs ;
- une perte de contrôle local sur l’aménagement du territoire.
Les touristes sont rarement perçus comme des individus isolés, mais comme les représentants visibles d’un système qui transforme l’île. Les comportements irrespectueux deviennent alors symboliquement lourds.
2.2 Koh Phangan : spiritualité, fêtes et contradictions
Koh Phangan incarne un contraste frappant. D’un côté, l’île attire des communautés spirituelles, des retraites de yoga, des thérapeutes alternatifs et des voyageurs en quête de sens. De l’autre, elle est mondialement connue pour ses fêtes géantes, en particulier la Full Moon Party.
Les habitants vivent une relation ambivalente à ces événements. S’ils génèrent des revenus importants, ils sont aussi associés à :
- des nuisances sonores extrêmes ;
- une consommation excessive d’alcool et de drogues ;
- des comportements perçus comme dégradants pour l’image de l’île.
2.3 Koh Tao : saturation et vulnérabilité
Koh Tao, beaucoup plus petite, subit une pression intense. La capacité écologique de l’île est régulièrement dépassée, notamment en haute saison. Les touristes qui ignorent les règles environnementales ou traitent l’île comme un simple produit de consommation sont particulièrement mal perçus.
2.4 Khanom et Sichon : tourisme émergent et choc culturel
Sur le continent, Khanom et Sichon connaissent un développement touristique plus lent. Les communautés y sont souvent plus traditionnelles, parfois musulmanes, parfois profondément ancrées dans le bouddhisme local.
Les touristes y sont généralement bien accueillis, mais les comportements jugés inappropriés — tenues trop révélatrices, démonstrations publiques d’ivresse, manque de retenue — y choquent davantage que dans les zones insulaires déjà très exposées.
3. Profils de touristes les plus mal perçus
3.1 Le touriste arrogant
Le profil le plus unanimement critiqué est celui du touriste arrogant. Il se manifeste par :
- des remarques condescendantes ;
- une mise en avant constante de l’argent ;
- une absence de curiosité réelle pour la culture locale.
Ce comportement est vécu comme une négation de la dignité locale.
3.2 Le fêtard excessif
La consommation d’alcool joue un rôle central dans de nombreux incidents. Cris nocturnes, bagarres, comportements sexuels déplacés et dégradations sont associés à ce profil.
Même dans les zones festives, la tolérance des habitants diminue avec le temps.
3.3 Le touriste culturellement ignorant
Il s’agit de visiteurs qui refusent d’adapter leur comportement :
- entrer dans un temple mal vêtu ;
- toucher la tête des enfants ;
- pointer du pied ;
- ridiculiser les pratiques locales.
Ce type d’attitude est souvent interprété comme un manque total de respect.
3.4 Le faux expatrié
Certains touristes de long séjour vivent en marge des lois locales : travail illégal, refus de visas appropriés, non-participation à l’économie locale. Ils sont parfois perçus comme profitant du pays sans y contribuer.
4. Nationalités et stéréotypes : un sujet sensible
Il arrive que certaines nationalités soient associées à des comportements négatifs (Nous ne dirons pas lesquels, mais certains savent). Ces généralisations sont alimentées par des incidents visibles, des effets de groupe et la médiatisation sur les réseaux sociaux.
Il est essentiel de souligner que ces perceptions ne sont pas toujours justes et ne reflètent pas la diversité réelle des individus.
5. Comparaison avec le reste de la Thaïlande
À Phuket, Pattaya, Bangkok ou Chiang Mai, les mêmes mécanismes sont observables. Le ressentiment ne vise pas les touristes en tant que tels, mais le tourisme de masse lorsqu’il est perçu comme envahissant, irrespectueux ou extractif.
6. Pourquoi le malaise reste souvent invisible
La culture thaïlandaise privilégie l’évitement du conflit. Le mécontentement se traduit par :
- une politesse distante ;
- une réduction de l’engagement émotionnel ;
- des critiques indirectes.
Beaucoup de touristes interprètent cette retenue comme une acceptation totale.
7. Être un touriste respecté : principes fondamentaux
Être bien perçu en Thaïlande repose sur quelques principes simples :
- humilité ;
- respect des normes culturelles ;
- discrétion ;
- intérêt sincère pour les habitants ;
- contribution à l’économie locale.
Conclusion
La perception négative de certains touristes en Thaïlande, et dans l’archipel élargi de Koh Samui en particulier, résulte de dynamiques sociales, culturelles et économiques complexes. Il ne s’agit ni de xénophobie ni de rejet des étrangers, mais d’une réaction à des comportements répétés perçus comme irrespectueux ou destructeurs.
Comprendre ces mécanismes permet de voyager de manière plus consciente, plus respectueuse et plus enrichissante, tant pour les visiteurs que pour les communautés locales.


