En Thaïlande, les élèves connaissent un contrôle strict des coupes de cheveux
Malgré une décision de justice censée assouplir les règles, des milliers d’élèves thaïlandais continuent de subir des coupes forcées à l’école. Entre discipline autoritaire et quête de liberté, la bataille des cheveux devient un symbole de démocratie.
🏫 Des coupes forcées “humiliantes” dans les écoles thaïlandaises
En Thaïlande, les écoles publiques imposent un contrôle strict de l’apparence : uniformes impeccables, cheveux courts pour les garçons, cheveux coupés aux oreilles pour les filles, et teinture interdite. Ceux qui enfreignent les règles s’exposent à une sanction publique : une coupe forcée, souvent en plein cours.
« Mon professeur a pris des ciseaux et m’a coupé les cheveux devant tout le monde. J’étais mort de honte », raconte un élève de 15 ans du sud du pays.
⚔️ Une règle militaire héritée de 1972
Ces normes capillaires ont été imposées en 1972 par la junte militaire au pouvoir. Elles visaient à inculquer discipline et conformité dès l’enfance.
Lors des manifestations étudiantes de 2020, la fin du “contrôle des cheveux” figurait parmi les revendications phares. En mars dernier, la Cour suprême administrative a annulé la directive du ministère de l’Éducation, laissant chaque école libre d’établir ses propres règles.
Mais sur le terrain, surtout dans les provinces rurales, les pratiques autoritaires persistent.
🗣️ “Ils veulent des citoyens dociles”
Pour Laponpat Wangpaisit, fondateur du collectif Bad Student, cette question va bien au-delà de l’apparence :
« Ceux qui détiennent le pouvoir veulent former des citoyens faciles à contrôler », dénonce-t-il.
La Thaïlande est une monarchie constitutionnelle, mais les décisions de l’électorat sont souvent bloquées par l’establishment : armée, justice et monarchie. Les militants y voient une continuation du contrôle social dès l’école.
✂️ L’humiliation comme punition
À Mae Sot, le coiffeur Watcharin Keawtankham dit réparer régulièrement les “coupes punitives” infligées à des élèves.
« Couper les cheveux d’un enfant, c’est le rabaisser devant tout le monde », explique-t-il.
Il a publié la photo d’un garçon avec une large tonsure imposée par son enseignant. Selon la Cour administrative suprême, ces pratiques portent atteinte à la santé mentale des enfants — notamment pour les élèves LGBTQ+.
💔 Auto, 15 ans, fille transgenre : “Je me suis sentie perdue”
Auto portait une perruque courte pour cacher ses longs cheveux. Lors d’une inspection, un professeur a découvert la supercherie et menacé de brûler sa perruque. Terrifiée, elle s’est rendue chez le coiffeur le soir même pour tout couper.
« Je me suis sentie perdue », raconte-t-elle, assise dans le salon familial, en banlieue de Bangkok.
🌈 Des écoles plus ouvertes à Bangkok
À Bangkok, certaines écoles plus progressistes assouplissent leurs règles. Au lycée Wat That Thong, dans le quartier d’Ekkamai, les élèves peuvent désormais choisir librement leur coiffure.
« C’est leur tête, personne ne devrait décider à leur place », déclare le professeur Kaokorn Suksangiamkul.
Les coupes mulet et franges rideau sont même devenues tendance.
Rin, 16 ans, élève transgenre, a changé d’école après avoir été menacée de sanction :
« Les cheveux peuvent te donner confiance… ou te gâcher la journée », confie-t-elle.
⚖️ Entre discipline et liberté : un symbole politique
Derrière la bataille capillaire se cache un combat pour les droits individuels et la liberté d’expression. Pour de nombreux jeunes, laisser pousser leurs cheveux est devenu un acte politique.
Dans un pays encore marqué par l’autoritarisme, ces mèches rebelles incarnent l’espoir d’une éducation plus démocratique — et d’une société plus libre.
