Destin de star. Pichitra Boonyarataphan : une icone de la mode Thaïlandaise
L’incroyable histoire de Pichitra Boonyarataphan et les 45 ans d’Atelier Pichita
Une figure majeure de la mode thaïlandaise entre tradition, innovation et héritage royal
L’histoire de Pichitra Boonyarataphan, l’une des créatrices les plus influentes de la mode thaïlandaise, ressemble à un cycle parfait, tissé de passion, de transmission et de métamorphoses.
Alors qu’elle célèbre les 45 ans d’Atelier Pichita, sa maison de couture emblématique, la designer de 72 ans retrace un parcours marqué par l’excellence, une fidélité profonde aux textiles thaïlandais et une vision créative devenue référence internationale.
Une enfance façonnée par les étoffes et l’héritage maternel
Pichitra n’est pas née dans la mode par hasard. Son enfance se déroule au cœur de l’atelier de sa mère, Lumyong, pionnière légendaire et fondatrice de la Rapee Fashion House ainsi que de l’Institut de couture Rapee.
Dans cette atmosphère où règnent tissus délicats, fils brillants et broderies minutieuses, la jeune fille observe, apprend, s’imprègne.
Pourtant, paradoxalement, elle ne rêve pas de suivre cette voie.
« Je voyais ma mère travailler jour et nuit. C’était admirable, mais incroyablement exigeant », confie-t-elle.
Mais l’univers textile, avec sa poésie visuelle et sa rigueur, finit par tracer pour elle un chemin irrésistible.
De Paris à Bangkok : naissance d’une signature stylisée et internationale
Pour forger sa propre identité, Pichitra se forme à la Chambre Syndicale de la Couture à Paris, berceau de la haute couture mondiale.
Elle y découvre la discipline, la structure, les techniques et les codes du luxe.
Elle suit également une expérience immersive comme mannequin chez Torrente Haute Couture, ce qui lui permet d’observer le vêtement en mouvement.
Ces influences européennes se mêlent à son attachement profond à l’artisanat thaïlandais, créant un style personnel, unique.
En 1980, elle fonde sa marque : Atelier Pichita.
Avec ses silhouettes épurées, ses lignes contemporaines et son utilisation novatrice de la soie thaïlandaise et des tissus tissés à la main, la créatrice révolutionne l’approche du textile local.
Ses patchworks, ses imprimés exclusifs et sa manière de revisiter des techniques traditionnelles séduisent immédiatement.
Dans les années 1980, la marque atteint même la scène internationale avec une présentation à Milan Fashion Week, positionnant Pichita comme l’une des ambassadrices majeures de la mode thaïlandaise.
Une consécration inestimable : créer pour la reine Sirikit, la reine mère
Parmi tous ses accomplissements, l’un demeure inégalé : avoir été choisie pour concevoir les tenues de Sa Majesté la reine Sirikit, la reine mère, figure centrale dans la préservation des textiles traditionnels.
La reine mère a joué un rôle déterminant dans la renaissance du tissage thaïlandais, soutenant activement les communautés de tisserands à travers le pays.
Collaborer avec elle constitue pour Pichitra une école unique, humaine autant qu’artistique.
« La reine mère connaissait chaque technique et chaque motif. Elle achetait des centaines de pièces pour soutenir les artisans. Elle était le symbole même du don. »
Cet engagement royal marque durablement la créatrice, qui voit alors la mode comme un outil de transmission culturelle et de valorisation du savoir-faire local.
The Golden Metamorphosis : une exposition événement pour célébrer 45 ans de création
Pour marquer l’anniversaire d’Atelier Pichita, l’exposition The Golden Metamorphosis offre une immersion exceptionnelle dans l’histoire de la marque et l’évolution du style de Pichitra.
Pensée comme une célébration de la transformation et de l’héritage, elle présente :
- 45 tenues emblématiques retraçant l’évolution de la maison
- 50 pièces supplémentaires de la nouvelle collection du même nom
- des œuvres créées en tandem avec sa mère, la maîtresse couturière Lamyong
La nouvelle collection, inspirée par les cycles naturels de transformation, symbolise la renaissance de la marque.
« Rien n’est immobile. La marque se renouvelle sans cesse, comme la nature », explique-t-elle.
Les robes royales de la reine Suthida : pièces maîtresses de l’exposition
Autre moment fort : la présentation de trois robes traditionnelles prêtées par Sa Majesté la reine Suthida.
Des tenues mondialement connues, portées lors d’événements majeurs, dont :
- la robe thaï Boromphiman bleu profond portée au couronnement du roi Charles III
- la robe thaï Chakri orange portée lors d’une réception officielle en Australie
- la robe Amarin brun doré portée lors de la visite d’État au Bhoutan
Pichitra exprime une gratitude profonde pour cette contribution royale.
« La reine Suthida veut que le monde voie à quel point la soie thaïlandaise est majestueuse. »
La haute couture royale : une précision absolue, héritée de siècles de tradition
Créer un vêtement royal ne se limite pas à un défi esthétique : c’est une science codifiée.
Les robes traditionnelles thaïes destinées à la famille royale doivent respecter des règles extrêmement strictes :
- hauteur exacte du col,
- types de tissus autorisés,
- placement précis des broderies,
- proportions codifiées,
- utilisation maîtrisée du fil métallique.
Chaque point doit être exécuté à la perfection.
« Je ne peux pas atteindre seule ce niveau de précision. Seules des maîtres couturières ayant consacré toute leur vie à cet art en sont capables. »

Aujourd’hui, il n’en reste plus que trois dans son équipe — un constat alarmant.
Préserver le patrimoine : la création de la Rapee Pichitra Academy
Face au risque de disparition des techniques traditionnelles, Pichitra décide de créer la Rapee Pichitra Academy (RPA), une école destinée à transmettre ce savoir-faire d’exception.
L’objectif : rendre l’apprentissage accessible, structuré, moderne et durable.
L’académie proposera des cours courts et spécialisés, pensés pour les nouvelles générations :
- création de patrons,
- art du drapé,
- techniques textiles traditionnelles,
- broderies royales,
- couture de précision.
« Notre héritage textile peut rivaliser avec n’importe quel pays. Nos créateurs ont un potentiel immense : il faut simplement les guider. »

Entre tradition et innovation : la vision de Pichitra pour l’avenir
Pour la créatrice, l’avenir de la mode thaïlandaise repose sur un équilibre délicat :
- une compréhension des standards internationaux,
- une revalorisation profonde du patrimoine local.
Elle considère que les textiles thaïlandais, dans leur diversité et leur richesse, possèdent une force émotionnelle et esthétique incomparable.
« Nous avons un patrimoine magnifique. Notre mission est de le faire rayonner à l’échelle mondiale. »
Une exposition ouverte à tous et un livre pour célébrer 45 ans d’histoire
L’exposition The Golden Metamorphosis est gratuite, accessible au public au centre commercial EmSphere jusqu’à samedi.
Elle s’accompagne du lancement du livre commémoratif Pichita, un ouvrage de 380 pages retraçant l’histoire de la marque et son évolution artistique.
Le livre est vendu au prix de 3 500 bahts.
Une partie des bénéfices est reversée à la Croix-Rouge thaïlandaise et finance des bourses artistiques universitaires, prolongeant la volonté de transmission chère à la créatrice.
Conclusion : une métamorphose qui continue
Entre héritage royal, innovation stylistique et engagement envers les communautés artisanales, Pichitra Boonyarataphan a fait bien plus que créer une marque : elle a construit un pont entre générations, traditions et modernité.
À travers The Golden Metamorphosis, elle invite le public à découvrir l’essence de la mode thaïlandaise et à participer à la préservation de cet art précieux.
Son parcours illustre une vérité intemporelle : un héritage n’a de valeur que lorsqu’il continue de vivre, de se transformer et de briller — comme l’or sous la lumière.


